Nous autres humains paraissons bien fragiles face à la carapace d’un xénomorphe (Alien), le titane de Robocop, l’armure d’Iron Man, ou encore l’épaisse chitine des arachnides de Starship Troopers.
Depuis plusieurs milliers d’années, l’Homme cherche à effacer cette faiblesse de son épiderme. Facilement tranché par une simple lame de métal ou traversé par une lance de bois.
Cette volonté s’est traduite, au fil du temps, par une série d’innovations motivées plus par notre histoire guerrière, que par nécessité. En partant de la cuirasse en bronze, en passant par la côte de maille, l’armure de nos chevalier, et en allant jusqu’au kevlar tissé, demandons-nous ce que nous réserve le futur.
Petit tour d’horizon
Je vous propose de faire un tour d’horizon des avantages et inconvénients des armures imaginées dans divers univers de science-fiction, aussi bien empruntés à la littérature et au cinéma qu’aux jeux-vidéo.
L’armure lourde
Lorsque l’on entend « lourde » on imagine immédiatement une armure épaisse en métal. Ce qui se traduit par un poids conséquent et des articulations faiblardes et difficiles à réaliser. L’un des exemples le plus célèbre reste celle d’Iron Man.
Cette armure est d’une incroyable solidité, elle permet de résister à des tirs d’armes à feu, de grenades, d’armes énergétiques, et même de missiles. Elle augmente également la force et la rapidité de son porteur par le biais de moteurs à la façon d’un exosquelette. Elle est bourrée d’électronique, possède une IA qui va assister son porteur et est mue par un réacteur Arc révolutionnaire. Pourquoi révolutionnaire ?
Parce que sans cette assistance électronique et mécanique, Tony Starck serait bien incapable de bouger une fois à l’intérieur. Pour faire fonctionner tout cela, il est nécessaire de disposer d’une grande source d’énergie dans un encombrement réduit. Dans cette fiction, le réacteur Arc inventé par Tony répond à la question mais il est totalement inenvisageable de construire une telle source d’énergie dans les quelques dizaines d’années à venir.
L’armure est solide et résiste aux chocs, mais il n’en va pas de même pour l’être humain qu’elle contient. Un impact de missile, d’obus, ou même une chute de centaines de mètres n’aura pas raison de son blindage, mais la personne aux commandes ne pourra pas survivre aux violentes accélérations/décélérations causées par ces chocs.
Autre point important, le risque de défaillance. En cas de défaillance de l’armure ou des moteurs qui permettent son mouvement, le porteur reste piégé à l’intérieur et ne pourra plus bouger correctement. Faisant de lui une cible facile.
Je passerai sur le coût de fabrication d’une telle armure, ainsi que sur sa capacité à voler dans les airs. 🙂
L’armure légère
Par définition, il s’agit du type d’armure la moins contraignante en matière de poids et de liberté de mouvement. Si l’on prend un exemple contemporain, le gilet pare-balles en kevlar utilisé par nos soldats et nos policiers en est un bon exemple. Il faut cependant nuancer car il existe des gilets pare-balles plus « lourds » dans lesquels des plaques de métal sont ajoutées au kevlar pour augmenter la protection.
Alors vous allez me dire : « On est pas dans la science-fiction là ! » Et je vais vous répondre : « Oui et non ». Car même si de telles protections existent déjà, leurs possibilités restent limitées et la SF tente souvent de les combler.
Sur une armure légère, la protection est réduite au torse, dos et parfois épaules. Le gilet doit être changé après avoir été touché par un projectile, il n’est pas efficace contre tous les types de munitions et enfin il impose, malgré son apparente légèreté, une certaine rigidité de mouvement à son porteur.
Ce type d’armure est moins courant dans les œuvres de science-fiction, mais on peut néanmoins la trouver dans Oblivion par exemple.
Dans ce film de Kosinski on peut voir le héros, Jack Harper, se faire tirer dessus à bout portant au niveau de la poitrine par une arme à feu conventionnelle. La balle ne faisant que s’écraser contre la matière plastoïde de son plastron, laissant le héros le souffle coupé mais indemne.
Sur cette photo on voit bien que la combinaison n’est pas blindée sur toute sa surface, seules quelques parties stratégiques le sont (la poitrine notamment). Cela permettant au héros de disposer d’une grande liberté de mouvement mais ne le protégerait pas de tirs moins ciblés.
L’armure énergétique
Il est souvent question d’armures « invisibles » lorsque l’on aborde des technologies lointaines ou extraterrestres. Il peut s’agir d’armures psychiques (qui impliquent un pouvoir télékinésique) ou, de façon moins fantastique, d’armures magnétiques ou de barrières énergétiques. Cette fois nous sommes clairement dans la science-fiction car aucune technologie ne permettrait d’obtenir ce type d’armure à l’échelle d’un être humain. Il faudrait pour cela maîtriser parfaitement le champ généré, et surtout, il faudrait disposer d’une grande quantité d’énergie transportable.
On peut voir ce type d’armure dans Dune de David Lynch. Étrangement, c’est l’une des applications qui se rapproche le plus de la rhéologie puisque son point faible est la vitesse du projectile. Ce bouclier, baptisé Holtzman, bloquera tout projectile dont la vitesse excède 9 mètres par seconde, mais laissera pénétrer tout ce qui ira plus lentement.
L’armure ultime
Enfin nous allons aborder une application très intéressante de la nanotechnologie, c’est à dire de la construction de modules informatiques et mécaniques à l’échelle nanométrique. A titre indicatif l’épaisseur d’un cheveu est d’environ 50000 nanomètres.
L’armure ultime ! Pourquoi ultime ? Parce qu’elle serait capable d’aider son porteur, d’utiliser son énergie ou de générer la sienne, et même de se réparer toute seule ! Comme notre peau.
Sa structure elle-même lui confère une rigidité contrôlée en fonction du besoin. En outre, elle permettrait de camoufler son porteur en modifiant sa couleur.
Vous pouvez la voir dans le jeu vidéo Crysis, ou son application militaire est largement mise en avant. Le problème c’est qu’on est loin, très loin, de pouvoir construire une telle armure. La nanotechnologie n’en est qu’à ses balbutiements et je ne pense pas que l’on puisse voir quelque chose d’aussi abouti dans les 100 prochaines années. On parle là de science-fiction lointaine.
Ma vision de l’armure du futur
Pour plusieurs raisons, que je vais vous expliquer, j’ai fait le pari de l’armure légère et de la rhéologie lorsque j’ai imaginé une armure qui pourrait équiper un contingent de soldat à la pointe de la technologie dans 60 ans. Je vous donne un peu de matière avec ces extraits de mon roman, l’Anomalie du Centaure, qui montrent à la fois les avantages, mais aussi les inconvénients de ce type d’armure.
Extraits de l’Anomalie du Centaure
Extrait du chapitre 9:
L’Adjudant vit l’éclair des tirs mais fut stoppé en pleine course. Sur les trois balles, une le toucha du côté droit de la poitrine. Il fut violemment projeté en arrière. Le fluide rhéologique qui remplissait de petites poches étanches de son gilet se durcit instantanément lorsque la balle le percuta, bloquant et piégeant cette dernière. Sous le coup du choc, sa respiration fut coupée et il sentit le craquement de l’une de ses côtes qui venait de céder. Ses coéquipiers s’arrêtèrent immédiatement, et posèrent un genou au sol, chacun regardant dans une direction complémentaire de celle de son voisin. Lorsque l’Adjudant reprit son souffle, il cria:
– Dans le buisson, il est là !
Extrait du chapitre 10:
Il sauta à nouveau sur lui, sa lame en avant, le soldat para le coup en croisant ses avant-bras mais cette fois Jack n’était pas du tout décidé à le laisser s’en tirer. Il poussa le plus fort qu’il put, en s’aidant de son poids. La sentinelle commençait à faiblir et la lame descendait doucement vers sa poitrine. Lorsqu’elle toucha sa combinaison, Jack se rendit compte qu’elle l’avait percée et qu’un fluide blanchâtre s’en échappait. Il poussa de plus belle continuant de gagner du terrain, millimètre après millimètre. Il avait l’impression que sa tête allait exploser et sentait le rythme de ses battements cardiaques dans ses tempes.
[…]
La lame pénétra le scaphandre de quelques centimètres, et soudain la sentinelle sembla se relâcher.
Pourquoi ce choix ?
J’ai choisi ces deux extraits pour montrer concrètement ce qui fait la force et à la fois la faiblesse de l’armure rhéologique utilisée dans mon histoire. Vous vous demanderez peut-être pourquoi j’ai fait le choix d’une armure qui n’est pas totalement efficace ? Tout simplement parce que je pense qu’il n’est pas possible de couvrir efficacement tous les risques à la fois. Un système polyvalent est toujours moins performant qu’un système spécifique pour une application donnée.
Or le risque principal auquel s’expose un soldat sur un champ de bataille provient des projectiles, éclats, shrapnels, balles, etc… Tous ayant une grande vélocité, et donc, une forte énergie d’impact. De plus, l’atout le plus important pour sa survie est sa mobilité, une cible mouvante est toujours plus difficile à atteindre et une grande liberté de mouvement permettra un plus grand confort de déplacement et de riposte.
Principe de la rhéologie
Depuis le début de cet article je vous parle de ce principe, la rhéologie. Vous aurez compris qu’il s’agit de se protéger contre des impacts violents au détriment d’agressions plus lentes. C’est à dire que l’on parle d’une matière molle, flexible, voire liquide, qui va se durcir instantanément lors d’un impact violent.
Parler de rhéologie pour évoquer un fluide se durcissant lors d’un impact est un abus de langage. La rhéologie est un domaine qui englobe beaucoup plus que cela et vient du grec rheo (couler) et qui étudie l’écoulement de la matière lorsqu’elle est soumise à une contrainte. On parle même de rhéologie pour l’étude de fluides soumis à des courants, comme pour les marées par exemple.
Comment cela fonctionne ? Je vais vous l’expliquer.
Les fluides non-newtoniens
Ce qui nous intéresse au sein de cette discipline ce sont les fluides non-newtoniens. Et plus précisément encore, il s’agit des fluides non-newtoniens rhéoépaississants.
Pour simplifier, un fluide est dit « newtonien » lorsque sa viscosité évolue de façon linéaire à une contrainte qui lui est appliquée. C’est à dire qui réagira proportionnellement à la vitesse de l’impact auquel il est soumis, c’est le cas de l’eau par exemple.
A contrario, un fluide dit « non-newtonien » est un fluide dont la viscosité n’est pas linéaire, c’est à dire que la vitesse va y jouer un rôle plus important en modifiant sa viscosité de façon quasi exponentielle.
Un exemple simple est celui des colloïdes. On appelle colloïde une substance qui est incapable de se diffuser à travers une membrane semi-perméable, même lorsqu’elle est mélangée à un liquide (le liquide franchira la membrane, laissant le colloïde de l’autre côté). Les gels, ou les colles sont des colloïdes par exemple. Ses particules sont plus grosses que celles du liquide dans lequel il est mélangé.
Lorsque le fluide est au repos, les colloïdes sont homogènement mélangés au liquide. Le fluide se comporte comme un liquide. Mais lorsqu’un choc est appliqué au fluide, les colloïdes vont absorber l’énergie cinétique et se rapprocher pour s’agréger. En gros ils vont former des grumeaux cohérents qui vont donner la consistance d’un solide au fluide (notamment grâce aux forces de Van der Vaals). De plus, le choc va chasser les molécules du liquide qui vont glisser entre les groupes de colloïdes, renforçant ainsi la réaction. Une fois l’énergie cinétique dissipée, les colloïdes vont à nouveau se séparer et redonner une consistance liquide au fluide.
En conséquence, plus l’énergie cinétique absorbée est importante, plus les colloïdes vont devenir compacts et cohérents.
Applications concrètes
Dans la fiction
Mon approche fut la suivante, en imaginant que l’on puisse concevoir un rhéoépaississant suffisamment solide pour absorber en totalité l’énergie cinétique d’une balle de fusil, comment pourrait-on en tirer profit ?
J’ai donc imaginé une combinaison, baptisée CMH dans mon roman, portée par un certain type de soldats. Et j’ai équipé cette combinaison de deux choses qui font sa force et qui restent dans le domaine du réalisable.
Des cellules de fluide rhéoépaississant constellant la combinaison de sorte qu’un impact de balle n’endommage que quelques cellules seulement mais ne remettent pas en cause l’intégralité de la protection offerte par la combinaison. Ces cellules étant indépendantes et leurs contenu étant sous sa forme liquide, elle permettent au tissu de garder une certaine flexibilité et n’entravent pas les mouvements du soldat.
Lors d’un impact les cellules située sur la zone d’impact direct vont se solidifier et bloquer le projectile. Les cellules environnantes vont également encaisser une onde de choc et se solidifier également. Une fois l’énergie cinétique dissipée, elles vont redevenir liquides. Les cellules trop endommagées vont perdre leur fluide rhéoépaississant et seule cette zone bien précise ne sera plus protégée.
La deuxième chose est le HUD bien connu des joueurs de jeux-vidéos. Le « Head-Up Display », soit « Affichage tête haute » en français, permet au soldat de visualiser un certain nombre d’informations directement devant ses yeux grâce à son casque.
On y retrouve notamment l’aide à la visée, la visée déportée, l’affichage en vision nocturne, la position de ses coéquipiers, etc…
Cette armure se classerait donc dans la catégorie des armures légères tout en apportant une aide tactique au combat ainsi qu’un blindage solide contre les tirs de faibles calibres.
Dans la réalité
Plusieurs projets réels d’armures du futur ont été financés par des industriels de la défense ou même parfois par des gouvernements. C’est le cas du projet TALOS commandé par le pentagone (ministère de la défense américain).
D’abord une rumeur avant d’être confirmé par la défense puis à demi-mot par le président Barack Obama lui-même (non sans humour d’ailleurs), ce projet « Tactical Assault Light Operator Suit » (Armure tactique légère d’assaut) allierait la nanotechnologie et un aspect de la rhéologie. Je dis « un aspect » seulement car il ne serait pas question d’utiliser un fluide rhéologique mais plutôt de contrôler un fluide ferromagnétique qui se durcirait sur commande grâce à un champ magnétique. Le principe reste donc le même.
D’après les rumeurs, car peu de choses sont officielles lorsque l’on parle de projet militaire, cette armure pourrait équiper des soldats américains sur les champs de bataille d’ici la fin 2018.
Expérimenter les fluides rhéoépaississants à la maison
Nous avons étudié son principe, décris la façon dont il se comporte, mais rien ne vaut une expérience concrète pour s’en faire une idée. J’ajouterai que j’ai moi-même fait l’expérience à la maison afin de bien comprendre comment ces fluides particuliers pouvaient réagir. C’est une expérience que vous pouvez faire avec vos enfants.
Il ne vous faudra que deux ingrédients:
- De la fécule de maïs (Maïzena par exemple)
- De l’eau
Vous versez la fécule dans un bol (le remplir à moitié), puis vous ajoutez de l’eau en mélangeant avec la main jusqu’à obtenir une pâte assez liquide. L’expérience est prête.
Enfoncez votre doigt lentement dans le fluide, vous verrez que vous pourrez toucher le fond du bol et lorsque vous retirerez votre doigt (toujours lentement), le fluide s’en écoulera comme un liquide un peu collant.
Maintenant refaite la même chose mais en enfonçant le doigt très rapidement… Il est bloqué par le fluide qui est brutalement devenu solide, impossible de toucher le fond du bol !
Voilà vous avez expérimenté un fluide non-newtonien 🙂 Si cela vous intéresse, je vous encourage à explorer les sites de partage de vidéo, vous y trouverez des exemples à foison.